In uns esch meh

« Face au déclin anthro­po­lo­gique, vivre en Euro­péen ». À ce thème hau­te­ment contem­po­rain qui nous ques­tionne, voi­ci une pro­po­si­tion de réponse spon­ta­née : pour vivre en Euro­péen, fai­sons des Européens.

Le pou­pon est emmaillo­té de blanc aux bro­de­ries de fil d’or, emmaillo­tage dont le simple et symé­trique pliage lui per­met de se dres­ser de toute sa hau­teur. Si le bas de son corps est gui­dé, la par­tie haute de son corps est libre d’expression. Les orne­men­ta­tions de sa vêture dont les ori­gines tra­versent la France – du flanc rhé­nan (arbre de vie, feuilles de chêne…) aux terres armo­ri­caines (plumes de paon, cornes de bouc, chaî­nettes, arêtes de pois­son, feuilles de gui, disques et roues solaires…) en pas­sant par les motifs ber­ri­chons Sau­ti­vet (frises de bandes, de barres et de sau­toirs, dents de loup…) – défi­nissent un pro­gramme déco­ra­tif où se retrouvent mêlés les mondes végé­tal, ani­mal et divin. Cet enfant est habillé selon une vision du monde esthé­tique dont il hérite. Sa pos­ture en forme de rune (man­naz) nous rap­pelle la vie en tant que nais­sance et crois­sance. Ses mains ne sont pas en posi­tion d’agrippement ou de détresse, elles semblent esquis­ser le signe du ser­ment (tel les gardes suisses) aux lois des hommes et des dieux de sa civi­li­sa­tion. Son regard scru­ta­teur est clair, droit et calme. Le fond sur lequel l’enfant se détache semble plus proche d’une peau d’aurochs (car il vient du monde de la longue mémoire) que du fin vélin du Codex Runi­cus (il y est fait pour la pre­mière fois men­tion du mot patria dans un texte danois, ce codex com­prend des lois cou­tu­mières et ecclé­sias­tiques ain­si que la plus ancienne nota­tion musi­cale danoise). En ses lignes, dont le temps n’efface pas tota­le­ment la gra­phie, s’immisce la devise, mehr in uns, qui évoque toute la poten­tia­li­té dont regorge le petit de l’homme européen.

À propos de l’auteur

Artiste pré­coce, lau­réat de concours natio­nal de film d’animation à qua­torze ans, de bande des­si­née à seize ans, après un détour par la facul­té d’Histoire de l’Art, il s’aventure dans le desi­gn gra­phique. Aujourd’hui, il est illus­tra­teur-gra­phiste indé­pen­dant. Sen­sible à la beau­té du monde qui l’entoure, et en par­ti­cu­lier son Alsace natale, Éric Hei­den­kopf pro­pose au tra­vers de ses pro­duc­tions une réflexion qui s’inscrit dans l’univers cultu­rel euro­péen. Il s’est enga­gé volon­tai­re­ment dans une tra­di­tion visuelle de l’art euro­péen de l’âge du bronze en pas­sant par la renais­sance jusqu’à cer­taines pro­duc­tions plus récentes, où, notam­ment, le por­trait y figure en bonne place.